Communication et information : des relations asymétriques
Le concept de communication court deux risques majeurs.
1. Le premier est celui d'une dilution du concept. Dans le langage courant le mot communication désigne des réalités physiques aussi différentes que des voies de communication (route, canaux, voies de chemins de fer, etc.) ou des outils de communication (téléphone, satellite, radio, etc.) et des processus sociaux aussi dissemblables que la publicité, les interventions scientifiques dans un colloque ou une conversation entre amis. Cette polysémie sociale imprègne également le langage scientifique
puisque ce vocable peut désigner aussi bien des échanges chimiques entre
terminaisons nerveuses (en neurologie par exemple) que des grognements échangés entre membres d'une même meute. Afin de garder à ce concept une certaine unité nous proposons de restreindre le vocable communication aux seules relations humaines.
2. Le deuxième danger qui guette le concept de communication est celui de
réduction à l'une de ses composantes. Pendant longtemps, le schéma linéaire de Shannon a engendré une réduction implicite de la communication à la
transmission d'information. Cette réduction aujourd'hui contestée laisse tout de même subsister, y compris dans la communauté des chercheurs, l'idée d'une relation symétrique entre information et communication : « l'information est le contenu de la communication et la communication le véhicule de l'information » affirme
Robert Escarpit18. De même, à la lumière des travaux sur l'hypertexte, Claude Baltz affirme qu'il « n'y a pas d'information sans communication et vice-versa » 19.
Pourtant, cette thèse conduit à une définition tautologique des deux entités :
l'information, c'est ce qui circule dans la communication ; la communication c'est
la circulation de l'information. C'est pourquoi, il nous semble plus heuristique de penser l'asymétrie de ces deux notions. Si l'on conçoit l'information comme un phénomène humain qui ne saurait se réduire à un « logarithme du maximum de vraisemblance d'une distribution multinomiale » - terme mathématique correspondant à la « quantité d'information » calculée par la formule de Shannon20 - on
fait inévitablement intervenir les notions de construction et de reconstruction du
sens21. Pour le dire autrement, la communication n'est pas la transmission d'un message, mais la co-constitution incertaine d'une signification. Signification qui se co-construit même lorsque la valeur informative des mots disparaît. Ainsi, dire non est une façon de communiquer son refus, le répéter plusieurs fois, enrichit cette communication (en montrant sa détermination), alors que la valeur
informationnelle des non supplémentaires est nulle.
théorie
, communication